mercredi 22 octobre 2008

Hans Küng passé sous silence dans Le Devoir ?

Patrice Perreault, « bibliste » de Granby a fait publier un même texte dans la Voix de l'Est et dans le Devoir. Chose intéressante c'est la Voix de l'Est — qui limite pourtant le plus la longueur des textes (au maximum 600 mots) — qui a publié l'intégralité de la lettre de ce « bibliste ». Le Devoir, pour sa part, a raccourci la lettre pour en omettre un passage qui invoque Hans Küng, théologien interdit d'enseigner la théologie par le Vatican. Pour ne pas effrayer certains catholiques qui croient vraiment encore que les partisans du cours d'ECR sont des catholiques orthodoxes ? Un peu comme le passage sous silence systématique dans Le Devoir de l'opposition d'une école catholique privée, Loyola, au cours d'ECR.

À des fins pédagogiques, nous reproduisons ci-dessous la lettre de M. Perreault dans son intégralité avec le passage supprimé par le Devoir en rouge.
La manifestation orchestrée par la Coalition pour la liberté en éducation (CLE) le 18 octobre suscite une perplexité certaine. Comment expliquer une telle opposition au nouveau programme? Est-il possible que celle-ci tire son origine d'une certaine compréhension du phénomène religieux?

Celui-ci, comme toute dimension humaine, est marqué par une ambiguïté produisant des effets opposés. Il peut tout aussi bien libérer qu'asservir. Autrement dit, le religieux peut se nourrir de valeurs d'exclusion ou d'inclusion. Le philosophe Henri Bergson parlait de la dimension plus conservatrice du phénomène religieux qui prône la sécurité face à l'angoisse existentielle.
Il n'est pas certain que l'angoisse existentielle libère !
Les gens adhérant à cette dynamique religieuse cherchent à conformer le réel à leur conception de l'Absolu ou de la religion. En général, ces personnes adoptent des valeurs éthiques axées sur des repères limpides et considérés comme immuables. Un certain pessimisme anthropologique caractérise cette approche du phénomène religieux au point de renforcer une forme de conservatisme social.
Oui, ce pessimisme anthropologique est bien conforme à la nature pécheresse des hommes pour les chrétiens. On ne sait pas trop d'où les optimistes anthropologiques tirent leur optimisme, mais ce n'est pas dans le christianisme ni même la triste réalité historique.
Une orientation première

L'autre dimension du religieux met l'accent sur des normes d'ouverture à l'altérité. Elle reconnaît la complexité du réel, établit une relation inclusive plutôt qu'antagonique avec la différence.

Cette relation donne naissance à la conscience sociale et suscite l'engagement avec d'autres pour transformer le monde. Il importe, ici, de faire observer qu'il s'agit d'une typologie et qu'aucune personne ne correspond entièrement à l'une ou à l'autre dimension. Cependant, il existe fréquemment une composante majeure qui détermine, en grande partie, l'orientation première.

À cet égard, le nouveau Programme d'éthique et de culture religieuse constitue un excellent test de Rorschach. Les réactions manifestées à ce programme s'avèrent fort révélatrices des tendances fondamentales. Par exemple, l'opposition farouche de parents trahit une attitude religieuse bien spécifique. Elle s'appuie sur un modèle culturel «d'exclusion» décrit plus haut. Ce modèle dessine une frontière hermétique entre le monde «extérieur» considéré comme hostile et l'univers «intérieur» de la communauté perçu comme un havre de paix et d'harmonie.

Or, le nouveau programme ECR s'inscrit dans la compréhension du phénomène religieux comme espace inclusif.
On ne sache pas que le volet éthique du programme ECR s'inscrive dans une quelconque compréhension du phénomène religieux.
Pour le programme, la différence ne constitue pas une menace à l'identité personnelle, mais en représente un aspect incontournable puisqu'elle incite à entrer en relation avec l'altérité. La frontière devient poreuse et inclusive entre le monde «extérieur» et le monde «intérieur» de la communauté. Au lieu d'observer un antagonisme du binôme monde-communauté, le paradigme privilégié par le programme, conçoit plutôt la communauté comme une partie intégrante du monde en relation étroite avec d'autres communautés humaines incarnées au cœur d'une biosphère dynamique en changement perpétuel.
On ne voit pas très bien où ce « bibliste » veut en venir. Croit-il vraiment que les gens contre le programme d'ECR ne considèrent pas que leur communauté est dans le monde changeant ? Mais ce « bibliste » ne connait-il pas la distinction entre le « dans le monde» et « de ce monde » dont le Christ parle ?

Voir Jean 15, 19 : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait; mais vous n'êtes pas du monde : c'est moi qui vous ai mis à part du monde et voilà pourquoi le monde vous hait. »

Voir aussi Jean 17, 14-18 :«14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a pris en haine, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde. 15 Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du mauvais. 16 Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde. 17 Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. 18 Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. »

Fin des certitudes

Un tel paradigme implique la fin des certitudes absolues. Cela explique l'accusation fausse de relativisme du programme.
Facile d'affirmer que cette accusation est fausse, il faudrait encore le prouver. Car, quand il n'y a plus de certitudes absolues, comme c'est le cas par exemple dans le volet d'éthique du cours, que reste-t-il ? Un relativisme borné en classe par le respect, la non-violence et l'esprit des Chartes de droits au mieux. C'est maigre et n'aura pas nécessairement d'effet en dehors de la classe pour les jeunes adultes devenus autonomes ou plutôt « anomes ».
Ses visées cherchent davantage à permettre à l'enfant de comprendre le phénomène religieux et de lui donner les outils pour écouter les représentations différentes tout en le situant dans la tradition culturelle et historique de la société.
En les situant de quelle façon et dans quelle tradition culturelle de quelle société ? La tradition judéo-chrétienne de la société québécoise ? Ou une autre « tradition » plus récente et privilégiée par certains pédagogistes et partisans de ce cours ? Bref, l'arbitraire.
En d'autres termes, le programme permettra de saisir que l'autre ne pense pas nécessairement comme soi et que sa différence est légitime.
Toutes les différences sont d'ailleurs légitimes (mais attention on n'est pas relativistes !), sauf celles des gens de le CLÉ ?
Pour les parents qui entrevoient le phénomène religieux comme un espace délimité par une frontière stricte, le paradigme du nouveau programme suscite tout un choc culturel. Dès lors, peut-on se surprendre qu'ils souhaitent préserver à tout prix leurs enfants de ce programme? [...]
Cette ellipse ([...]) remplace ce passage publié, lui, dans la Voix de l'Est mais pas dans le Devoir :

Le grand théologien Hans Küng résume bien les causes de ce choc culturel par la concomitance de paradigmes socioreligieux qui fait se côtoyer des personnes croyantes qui ne partagent pas la même mentalité. Cela suscite un conflit des représentations face au réel et à la société.

Est-il possible que l'opposition face au nouveau programme ECR résulte de la collision entre divers paradigmes, l'un moderne et l'autre plus «écohumaniste» qui intègre le pluralisme dans un système ouvert? Si cela s'avère, il importe dès lors d'accompagner, avec sollicitude et par le dialogue, tant les personnes opposées à ce programme que leurs enfants dans ce douloureux passage.
Euh, pour les forcer à passer contre leur gré ?
Cependant, rappelons que dans tout vrai dialogue, les personnes acceptent la possibilité de se laisser transformer complètement par l'échange afin de créer, espérons-le, une société plus inclusive, égalitaire, solidaire et unie dans la diversité.
Il semble pourtant simple d'assurer cette diversité : laisser le choix comme le demande justement la CLÉ&thinsp!

En passant, la transformation semble être un but en soi pour ce « bibliste ». On ne voit pas pourquoi quand tout est devenu légitime.

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