vendredi 23 janvier 2009

Un plaidoyer pro-ÉCR non convaincant

Le théologien Guy Durand publie une lettre ouverte dans la Voix de l'Est au sujet du livre apologétique pro-ECR de Georges Leroux (une version de ce texte a été proposée par le Devoir fortement en faveur du cours ECR et dont Georges Leroux est un des collaborateurs, il n'a pas été publié par le Devoir) :
Le livre contient des idées particulièrement heureuses :

— le regard positif posé sur l'héritage chrétien, qui « imprègne la culture de l'Occident », dont le Québec;

— plus largement, la conception positive des religions, qui ne proposent pas des positions morales sommaires et archaïques, mais « des formes symboliques historiques et actuelles, dont l'interprétation est essentielle à la compréhension de l'identité et de l'expérience contemporaines »;

— la dénonciation d'une conception utilitariste de l'école;

— la critique du relativisme qui conduit au scepticisme.

Le livre contient cependant des éléments problématiques en lien avec ceux du programme d'ÉCR qu'il s'applique à justifier.

1. Affirmant que le programme est le fruit d'un long processus démocratique, le livre ne dit rien sur les ratés de cette histoire.

2. Rien sur la responsabilité et le droit des parents sur l'éducation morale et religieuse de leurs enfants.

3. La laïcité admet d'autres modèles, trop rapidement rejetés par l'auteur sous l'appellation globale de communautarisme (pays scandinaves et Allemagne) et de républicanisme (France). La diversité serait beaucoup plus grande si l'on distinguait, par exemple, la fin (égalité et liberté de conscience) et les moyens (autonomie de l'État et des religions).

4. L'auteur durcit la notion d'école commune, intégrative. En quoi, en effet, la séparation des élèves durant une ou deux heures semaine nuit-elle à cet objectif. Ça se fait déjà pour le choix de plusieurs matières.

5. Comme le programme, l'auteur présente une vision réductrice de la religion, centrée sur la connaissance des rites et symboles mise au service du vivre ensemble, sans insistance sur sa signification ou son apport à la compréhension des grandes questions de l'existence.

6. Le livre assume enfin les aspects anti-pédagogiques du programme, notamment au primaire : lien trop étroit entre morale et religion (quoiqu'il me semble heureux de les mettre à l'intérieur du même groupe de matières); exposition prématurée des jeunes devant autant de conceptions de la vie (six religions); insistance inappropriée sur l'esprit critique à cet âge.

7. À un autre niveau, le livre passe sous silence les difficultés du processus en cours, notamment le manque de préparation des maîtres y compris des formateurs des maîtres.

Conclusion. Malgré la richesse de certaines réflexions, le livre n'arrive pas à convaincre de la justesse du programme d'ÉCR proposé par le Ministère. Peut-être cela tient-il principalement à l'absence de distance entre la réflexion d'ordre philosophique et les applications d'ordre pédagogique. En attendant une révision importante du programme, il est urgent de permettre l'exemption aux élèves (ou parents) qui ne veulent pas suivre le cours. Aux commissions scolaires et aux écoles de prendre leurs responsabilités si le ministère tarde à le faire.

Guy Durand

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je trouve intéressante la critique de M. Durand.

D'un autre côté, je ne vois pas comment les désaccords avec tel ou tel élément du programme puissent justifier que l'on veuille se soustraire à l'obligation de le suivre. La conclusion logique serait plutôt qu'il faut améliorer le programme.

L'élément qui pourrait justifier que l'on soit exempté cela serait que ce cours porte atteinte à la liberté de conscience. Or, M. Durand ne le condamne pas à cet égard, ni les évêques du reste.

En tant qu'éducatrice de mes enfants, j'ai bien hâte de voir ce que la cour va décider dans cette affaire.

À suivre