mardi 19 mai 2009

Cours d'éthique et de culture religieuse — Réponse à l'abbé Gravel

Lettre ouverte de Guy Durand, théologien, à Raymond Gravel, prêtre, qui approuve l'imposition du cours ECR.
Monsieur Raymond Gravel, votre lettre sur le cours Éthique et culture religieuse m'a d'autant plus attristé que j'ai une grande admiration pour vous. Comment pouvez-vous être aussi méprisant pour des citoyens qui demandent qu'on respecte leur liberté de conscience et de religion: «Fanatiques», «ultra-catholiques», sans avoir «évaluer la pertinence et le contenu» du programme. Tout en appuyant la demande d'exemption, je ne me reconnais aucunement sous ces termes: j'ai milité il y a plusieurs années pour la déconfessionnalisation de l'école Notre-Dame-des-Neiges à Montréal; j'ai déjà écrit comment on devrait transformer le présent programme (revue Éthique publique, printemps 2008). Mais je respecte infiniment la liberté de conscience et de religion, donc le droit à l'exemption du cours ÉCR qui constitue le coeur du procès à Drummondville. D'autant plus que je trouve que le programme actuel, malgré les beaux objectifs affichés, contient des faiblesses majeures, surtout lorsqu'il s'adresse aux élèves du primaire. Peut-on discuter à un autre niveau que celui des invectives?

Vous dites que les objectifs du programme sont corrects. Oui, mais avez-vous analysé la structure et le contenu du programme? Avez-vous analysé quelques manuels? Personnellement, je ne pense pas que le cours réponde aux objectifs que vous désirez: «comprendre notre culture et notre héritage collectif» ou «montrer l'influence du christianisme dans l'évolution de la société québécoise». On présente huit religions aux enfants de six et sept ans. Elles sont sur le même pied que des légendes grecques, des mythes et des contes que personne ne donne comme «croyances». Le maître doit rester neutre dans les discussions entre enfants. Je ne vois pas en quoi le cours permettra «d'apprendre à distinguer un récit historique d'une légende ou d'un texte poétique». Au contraire, c'est plutôt la confusion que le programme favorise. Les éléments des religions sont présentés de manière morcelée, sans que l'élève ne puisse saisir la signification profonde de la religion ou le sens qu'elle pourrait donner à sa vie. Le christianisme lui-même y est mal présenté, vidé de tout ce qui fait sa signification. Il n'est pas certain d'ailleurs qu'on lui donne la prépondérance demandée. Quand il est question des besoins de l'enfant, on en nomme cinq ou six, mais jamais les besoins d'ordre spirituel ou religieux ne sont cités. On cherche à développer l'esprit critique des jeunes enfants, y compris vis-à-vis les règles familiales et religieuses. On impose aux enfants du primaire des discussions qui relèvent davantage de la fin du secondaire.

Il n'est pas question de transmission de la foi – on s'entend que celle-ci relève des parents et des communautés – mais de la transmission de connaissances religieuses ou d'acquisition de la culture religieuse qui a fait le Québec, ainsi que d'une véritable formation morale et non d'un cours de citoyenneté.

Les orientations du programme sont confirmées et accentuées par les affirmations et déclarations de certains rédacteurs ou conseillers du programme dans des revues ou des séances de formation organisées par le Ministère: l'un affirme «Tout est légitime»; un autre déclare qu'il faut «apprendre à ébranler la suffisance identitaire» du jeune; un troisième dit qu'il faut décentrer le jeune; un quatrième qu'il faut apprendre à relativiser; une diapositive d'un video de formation signale qu'il faut poursuivre la déconfessionnalisation du système scolaire jusqu'à la «déconfessionnalisation des mentalités».

Dans les manuels utilisés à Drummondville (1re et 2e années), il y a deux prières à la Terre-Mère et au Grand-Esprit, aucune allusion au Notre Père. On parle de la Création en deuxième année en décrivant la légende autochtone du Grand-Lièvre: rien sur le récit biblique. On fait suivre le récit de Noël d'un «réveillon» chez les souris. on ne dit pas pourquoi Jésus pardonne à Zachée. Dans un autre manuel, on demande aux enfants de 12,13 ans d'inventer leur propre religion (fondateur et mythe fondateur, un ou des dieux, un code moral, un livre sacré, quelques rituels, quelques objets de culte): jeu si l'on veut, mais on peut se demander ce que ce jeu induit dans la pensée de l'enfant. Ailleurs, on met la Révélation de Dieu à Mahomet à l'indicatif («Dieu révéla à Mahomet le message divin») alors qu'on utilise le conditionnel pour la Résurrection de Jésus («ses disciples l'auraient rencontré bien vivant»). On décrit la place de la femme dans diverses religions de manière vraiment injuste pour le catholicisme. Une activité de réflexion de type yoga avec les tout petits a pour titre «Graine de doute» et donne le doute comme fruit de l'activité.

Je suis particulièrement abasourdi par votre dernière phrase: «comme prêtre catholique, je fais confiance à la sagesse de nos évêques». Que pensez-vous de la sagesse des évêques sur la contraception, l'homosexualité, le mariage des prêtres, l'ordination des femmes? Question directement de leur ressort pastoral pourtant. Le concile Vatican II a d'ailleurs affirmé que dans les questions concrètes d'aménagement social et politique, il appartient aux laïcs de décider; ceux-ci ne doivent pas penser que leurs pasteurs ont cette compétence, ni mission à cet effet (Gaudium et spes, no 43, paragraphe 2).

Quant à la déclaration de l'épiscopat en 2008, elle rappelle que leur préférence demeure pour les options en enseignement religieux, elle signale de nombreuses faiblesses et difficultés qui affectent le programme, «dont certaines sont contournables», ce qui implique que certaines ne le sont pas. Et leur déclaration contient trois fois l'affirmation qu'ils sont devant un fait accompli: Ils sont loin d'approuver le programme. On peut comprendre leur fatigue quand on sait qu'ils se sont prononcés en faveur des options des dizaines de fois, notamment en 1997, 1999, 2000, 2005.

Guy Durand, théologien retraité

Dunham

2 commentaires:

Bernard Couture a dit…

On peut être certain de trois choses en ce bas-monde : Gravel a toujours une opinion sur tout; son opinion sera toujours transmise avec joie par les médias; et son opinion sera toujours le contraire de ce que l'Église enseigne.

Romanus a dit…

«comme prêtre catholique, je fais confiance à la sagesse de nos évêques»

... surtout parce qu'ils ne contredisent jamais ce qu'il dit.