vendredi 7 mai 2010

Polémique autour d'un examen de français au rabais

Nous reproduisons ci-dessous quelques pointeurs autour du dernier examen de français en secondaire V qui, selon plusieurs, serait plus facile cette année.

Nous n'avons pas d'opinion sur le sujet, mais nous sommes étonnés qu'il soit possible d'encore faciliter les examens du Monopole de l'éducation quand on voit la connaissance largement lacunaire du français du diplômé du système scolaire québécois (et même de certains enseignants).

La polémique semble être partie d'un article d'Arianne Lacoursière :
Tous les élèves de cinquième secondaire subiront simultanément l'épreuve uniforme de français jeudi. Mais, selon différents professeurs, les exigences de cet examen ministériel ont été réduites. Alors que les élèves devaient auparavant rédiger un texte argumentatif étoffé, les jeunes de cette année - les premiers issus de la réforme scolaire - devront écrire une lettre ouverte sans véritable argumentation. Dans l'ancienne épreuve de français de la fin du secondaire, implantée en 1987, les élèves devaient donner leur opinion sur un sujet donné et l'appuyer d'au moins deux preuves. « Il y avait un fondement argumentaire. Les élèves devaient étayer leurs preuves », explique Benoît Paquin, qui enseigne le français en quatrième et cinquième année à l'école secondaire Jacques-Rousseau.

L'« organisation stratégique » du texte comptait pour 20 % de la note finale. Pour obtenir un maximum de points, les élèves devaient « construire une argumentation selon une stratégie particulièrement efficace ». « Par exemple, les élèves pouvaient présenter leurs preuves de la moins forte à la plus forte, utiliser la réfutation... » illustre M. Paquin.

Jeudi, les élèves devront plutôt rédiger une lettre ouverte. L'organisation stratégique ne figure plus dans la grille d'évaluation. La « cohérence du texte » compte pour 25 % de la note finale. Pour obtenir le maximum de points, les élèves doivent « organiser leur texte de façon cohérente ».

Selon Mme Chartrand [professeure de didactique du français à l'Université Laval], ce changement dans l'examen ministériel de français est «une stratégie politique pour nous empêcher de faire une véritable évaluation de la réforme». Puisque les exigences du nouvel examen sont plus faibles, plusieurs élèves le réussiront facilement. « Si on avait vraiment voulu savoir si ces élèves, qui sont les premiers issus de la réforme, sont meilleurs, on aurait gardé les anciennes exigences », dit Mme Chartrand.

M. Paquin est du même avis. « Les élèves pourront maintenant écrire n'importe quoi, pourvu qu'ils aient un beau style. Des élèves de troisième secondaire seraient capables de passer ce test. L'objectif semble être de faire passer les enfants de la réforme», croit-il.
Michel Désautels a longuement (7 minutes 17 secondes) discuté du sujet (le 5 mai à 16 h 15), mais semble-t-il uniquement avec une personne qui pense que l'examen n'est pas plus mauvais que les précédents : Mme Suzanne Richard, présidente de l'Association québécoise des professeurs de français.

Le professeur masqué, un professeur de français, déclare que « jamais je n'aurais cru que le MELS pouvait descendre si bas. Ceux qui estiment que l'examen d'écriture d'aujourd'hui est semblable à ceux des années antérieur[e]s ont carrément tout faux ! »

Rima Elkouri dans la Presse ajoutait hier :
« Quelle mouche a donc piqué le Ministère pour qu'il change la formule de l'examen au moment même où les premiers enfants de la réforme doivent le subir? Avait-on à ce point peur des résultats que l'on a voulu éliminer toute possibilité de comparaison ?

La ministre Michelle Courchesne soutient sans nous convaincre que les nouvelles exigences sont comparables aux anciennes. L'examen réformé viserait tout simplement à mieux s'inscrire dans le cadre du « renouveau pédagogique » - la ministre ne prononce jamais le mot « réforme ». Il s'agit de rendre l'épreuve plus attrayante pour les jeunes. Mais depuis quand un examen doit-il être attrayant ?

« La seule chose qu'on change, c'est qu'au lieu d'écrire une lettre à la ministre, on écrit une lettre ouverte », me dit la ministre. Dans les faits, selon les documents du Ministère, il y a pourtant une différence fondamentale. Avant, les élèves devaient « construire une argumentation selon une stratégie particulièrement efficace ».

Même si Mme Courchesne prétend que l'aspect argumentatif reste primordial dans le nouvel examen, le mot « argumentation » n'est plus qu'une note de bas de page dans la grille d'évaluation. On demande simplement aux élèves de « faire valoir une position (thèse) avec cohérence ». Or, comme l'a justement observé Suzanne-G. Chartrand, argumenter est beaucoup plus complexe que de donner son opinion.

[...]

Réponse de Suzanne-G. Chartrand : « Si la ministre ne fait pas de différence, 2500 ans d'histoire de la rhétorique et de l'argumentation en font. Qu'elle lise ou consulte ses collègues; il y a des limites à dire n'importe quoi. »
Le blogue de l'édito de la Presse permet les commentaires sur ce sujet (apparemment ce n'est donc pas toujours le cas...), voir les commentaires.

Le Devoir essaie de faire dans la nuance (les commentaires sont également intéressants).

Le professeur masqué, toujours professeur de français, n'est pas tendre avec l'article du Devoir :
le texte du Devoir est totalement dans le champ sur deux aspects précis.

Le premier, lorsqu'il affirme que « l'épreuve unique du ministère de l'Éducation, qui existe depuis la fin des années 1980, n'a guère changé au fil du temps. » C'est tout à fait faux comme on peut le lire dans les commentaires à la suite de ce texte. Cet examen a connu de[s] nombreuses formules différent[e]s au cours des années et il faut être vraiment mal informé pour affirmer une telle idée.

Le second, lors qu'il reprend les propos de Nathalie Lacelle, qui a œuvré pendant 15 ans au secondaire avant de devenir chercheuse à l'Université du Québec à Montréal :
« Avant, quand on préparait les élèves à l'examen, il fallait varier les formules, car c'était un texte plus argumentatif classique. Mais cette fois, le destinataire est fourni. Ce seront les lecteurs du site Web hébergé par le ministère. Le lieu de publication formalise le procédé et encadre la forme du texte. »
Or, je ne sais pas sur quelle baloune vit Mme Nacelle, mais la notion de destinataire existe depuis plusieurs années dans cet examen et était bien plus exigeante par le passé que maintenant. On fournissait aux élèves un destinataire précis avec des caractéristiques clairement identifiées dont ils devaient tenir compte. »
Un groupe Facebook comprenant plus de 9 000 membres a été créé pour dialoguer sur le sujet de l'examen : « L'engagement thème de l'examen d'écriture, parlons-en ! Plusieurs sujets bien plus intéressants existent,mais voilà le ministère veut nous sensibiliser... Vous en pensez quoi ? »




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