samedi 12 septembre 2009

Le « droit à l'ignorance » des lecteurs de la Presse, de la Voix de l'Est et du Soleil

Il y a une semaine Mme Lavallée a envoyée la lettre ci-dessous à La Presse de Montréal. Plusieurs échanges s'en sont suivis entre, d'une part, Mme Lavallée et son avocat et, d'autre part, la journaliste de la Presse, Mme Audet, et l'avocat du groupe GESCA.


La Presse avait mené le bal en reproduisant allègrement les propos de Sébastien Lebel-Grenier, jeune professeur de droit à l'Université de Sherbrooke, sur ce qu'il qualifiait de « droit à l'ignorance » qu'aurait réclamé les parents de Drummondville contre l'imposition du programme ECR. La Voix de l'Est avait reproduit le lendemain, le 2 septembre, la même affirmation d'ignorance proférée par le professeur de Sherbrooke. Enfin le surlendemain, la journaliste Brigitte Breton, du Soleil a fait siens ces propos dans son article intitulé "Foi en l'ignorance".

Rappelons que cette expression (« droit à l'ignorance ») n'a jamais été utilisée lors des débats du procès et qu'elle ne figure pas dans le jugement écrit de l'Honorable Jean-Guy Dubois. Le débat, au procès, ne s'est nullement posé en ces termes. Voir le texte intégral du jugement ainsi que la requête, la réplique et des transcriptions.

Or, si le National Post a rapidement publié de larges extraits de la lettre de la mère, voilà que le groupe Gesca ne veut pas publier les véritables griefs de celle-ci.

Faut-il vraiment trouver un jeune universitaire pour pérorer et déclarer pompeusement que cet empire de Presse a exercé son droit à l'ignorance de ses lecteurs en refusant de reproduire la lettre de mise au point d'une personne qu'elle qualifiait à tort d'obscurantiste ?
À la rédaction

La Presse
7, rue Saint-Jacques
Montréal, Québec
Canada, H2Y 1K9

commentaires@lapresse.ca


Chers Messieurs,


C’est avec une certaine consternation que j'ai lu dans vos colonnes une description qui dénature mon point de vue et les raisons pour lesquelles j’ai fait appel à la justice afin que mes enfants soient exemptés du nouveau cours d’éthique et de culture religieuse récemment imposé au Québec.

Dans l'article « Éthique et culture religieuse : des parents déboutés » du 1er septembre, vous laissez Sébastien Lebel-Grenier, professeur de droit à l'Université de Sherbrooke, caractériser les motifs de ma contestation devant les tribunaux comme « la liberté d’ignorance, c’est la liberté de méconnaître d’autres religions par peur de polluer l’esprit des enfants. »

Cela est faux et me décrit injustement comme une obscurantiste. Je crois que vos lecteurs méritent de connaître quels étaient mes réels motifs, tels qu’attestés par ma requête et mon témoignage devant le tribunal.

La question n’est pas pour nous une question de connaissance de faits objectifs sur les religions, mais du risque lié à une présentation particulière de ces faits à un âge précoce.

Nous n’avons pas d’inquiétude à propos de la connaissance des faits sur les autres religions, ces faits étaient déjà enseignés dans les dernières années de l’ancien cours de religion catholique qui se donnait les écoles publiques du Québec ; nous n'avons pas eu d'objection. Nos griefs sont ailleurs : nous nous opposons au fait que notre plus jeune enfant, alors âgé de 6 ans, doive recevoir un enseignement selon lequel toutes les religions sont légitimes et de même valeur. Je me suis également, par exemple, opposée au manuel que mon enfant avait à utiliser dans lequel toutes les histoires, qu'elles soient bibliques (la Nativité), autochtones (Grand Lièvre) ou des récits animaliers (Le Noël des Souris), étaient racontées comme des contes d’égale valeur et véracité. C’est le seul manuel qui ait été admis comme preuve lors du procès.

Il suffit de consulter les manuels du primaire pour noter que le contenu factuel enseigné à l'école primaire est rudimentaire. Pour nous, les faits ne sont pas le véritable objectif du cours. Il s’agit d’inculquer une vision pluraliste de la religion : toutes les religions sont bonnes, plusieurs valent mieux qu’une, toutes ont une part de vérité, et aucune n'est donc vraiment vraie, car elles se contredisent. L’étude des connaissances de base sur l'islam, le bouddhisme ou les spiritualités autochtones — pratiquées par moins de 0,1 % de la population québécoise ! — n'a pas besoin de commencer à 6 ans et de s’étendre sur 11 années d'école, cela pourrait facilement être appris, comme dans d'autres provinces, à la fin des études secondaires dans une classe de géographie ou d’histoire.

Un effet secondaire paradoxal de ce cours est que, dans les écoles laïques aujourd'hui au Québec, les élèves doivent « dialoguer » au sujet de leur vécu, de leur appartenance religieuse ou de leurs convictions et sont donc étiquetés, aux yeux de leurs pairs, en termes confessionnels ce qui les divise donc sur la base des convictions religieuses ou philosophiques.

En ce qui concerne la composante éthique du cours, nous avons décidé de demander que notre fils aîné soit exempté après qu'il nous ait confié qu’il se sentait très mal à l'aise à propos de discussions et débats « éthiques » qui traitaient de la sexualité d’une façon qui lui paraissait intrusive et indécente. Là encore, les enseignants ne peuvent pas indiquer ce qui est vrai ou faux et tout est permis. Nous ne voyons pas comment cela constitue une bonne éducation et nous aurions préféré que notre fils ait des cours plus utiles et plus constructifs.

J'espère que vous informerez vos lecteurs des véritables motifs qui nous ont poussés à demander que nos enfants soient exemptés, nous pensons que c'est une question importante et que vos lecteurs devraient connaître mes raisons autant que celles que me prête ce professeur.


Cordialement,


Suzanne Lavallée
Drummondville

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Je serais fort surpris que La Presse publie ce commentaire, même s'il provient de la personne directement visée dans un de ses articles. Il y a des dogmes dans notre Québec sécularisé et "libre", et la non-pertinence du point de vue des croyants (supposés incapables d'avoir et d'exprimer une opinion articulée) est un de ceux-là. Alors on ne publiera pas la lettre d'une madame N'importe-Qui si cela va à l'encontre de l'idée reçue.

Pour une école libre a dit…

C'est fort possible. Le National Post a accepté de publier une version "éditée" de la lettre.

Pour l'instant La Presse, dans toute son impartialité, fait la sourde oreille : « Il sera question à nouveau du cours d'éthique et de culture religieuse et je serai alors heureuse de pouvoir rapporter votre point de vue » (mme Audet dixit)

Romanus a dit…

C'est maintenant que le jugement a été rendu et c'est maintenant que la lettre de Mme Lavallée a toute sa pertinence.

J'entends que Mme la Ministre refuse de commenter le jugement. Comme je l'avais prévu, un jugement favorable au gouvernement le met dans une position encore plus embarrassante que s'il avait perdu, car maintenant, même justifié légalement, les actions contre les parents seront perçues comme de la persécution. C'est exactement ce que c'est... d'autant plus que le gouvernement, supporté par l'opposition et les média (fermez-moi tout ces journeaux!)s'est arrogé le droit d'imposer le cours en 'trafiquant' les lois. Le gouvernement est, en quelques sorte, 'obligé' de les persécuter. Les parents ne lâcheront pas: plutôt se laisser dévorer par les lions! De ce que je vois de la réaction de Mme la Ministre, le gouvernement n'a même pas le courage de ses convictions. Être persécuteur, ce n'est pas une position enviable. Surtout pour des gens timorés comme nos politiciens.

Les Québécois ne disent rien:

'Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait personne pour protester.'

Martin Niemöller (1892-1984)

Anonyme a dit…

Si La Presse refuse de publier la lettre de Mme Lavallée, directement visée dans son intégrité personnelle (l'article la traite ni plus ni moins d'ignorante) dans un article oû ce journal fait parler d'elle par un tiers, alors celle-ci ne devrait pas hésiter à porter plainte au Conseil de Presse du Québec. Je comprends qu'elle doit avoir bien d'autres chats à fouetter, mais il faut souligner que ce recours-là, au moins, n'est pas compliqué ni coûteux à entreprendre. En tous cas, c'est une idée que je lance. Je ne suis pas à sa place, mais il me semble qu'il doit y avoir des limites au mépris.

Durandal a dit…

Le pire, c'est que Sébastien Lebel-Grenier est un professeur DE DROIT.

Romanus a dit…

L'une des raisons pour laquelle je ne lis plus les journaux est que ce qu'ils publient relève de la plus pure propagande postmoderniste.

Vous ne pouvez plus être journaliste si vous n'adhérez pas, inconditionnellement, aux 'dogmes du jour'. On sélectionne soigneusement les informations et on les manipule avec des résultats qui souvent résulte en désinformation. Les cas des cours ÉCR et des propos du pape sur les préservatifs en sont de flagrants exemples. En fait, dans le cas des propos du pape sur les préservatifs, leur véracité a été confirmé a la suite par des scientifiques et ca été rapporté en catimini par les média... car ils voulaient nier toute crédibilité que cela aurait pu donner au pape.

Ce sont des fourbes.

Anonyme a dit…

Pour enchainer sur ce que dit Romanus, citons encore une fois l'ombudsman de Radio-Canada, Julie Miville-Deschenes... qui est d'accord avec lui:

"Il n’y a pas assez de diversité d’opinions et de diversité culturelle dans les grands médias québécois. Le Québec, avec ses 7,6 millions d’habitants, est une petite société. Cette réalité démographique nuit à la diversité. Parlons d’abord des journalistes. Les plus influents appartiennent souvent à la génération des baby-boomers. Et la grande majorité d’entre eux – jeunes ou vieux – partagent la même idéologie. Ces Québécois « de souche » ont surtout étudié les sciences humaines et ont été contestataires dans la mouvance nationaliste et/ou de gauche. Souvent, leur façon de voir le monde comporte, par exemple, les éléments suivants : préjugés favorables envers les syndicats, antiaméricanisme, anticléricalisme, etc. Cela ne les empêche pas de s’être embourgeoisés au fil des ans, grâce notamment à des conventions collectives de plus en plus généreuses. En outre, ils vivent en ville et font partie de la classe moyenne ou même aisée. Il est difficile pour eux de voir venir des phénomènes comme la montée de l’ADQ ou le malaise qui sous-tend le code de conduite pour les immigrants de Hérouxville puisque chacun sait, dans les grands médias, que le Québec est laïc, accueillant et plus tolérant que le reste du Canada..."

http://lecampduchangement.blogspot.com/2009/05/stupefaction.html

Romanus a dit…

... coupons court... ce sont des fourbes... des menteurs... ils n'ont plus aucune crédibilité.

J'ai hâte de les voir tous en faillite... ca s'en vient... ils le méritent! Je n'ai aucune sympathie pour eux.

Julie de la rivière a dit…

J'ai tenté de mettre un lien vers cet article en commentant sur La mère blogue, le blogue d'Isabelle Audet et de Silvia Galipeau sur Cyberpresse. Le billet était intitulé Cours d’éthique et de religion: le débat n’est pas terminé par Isabelle Audet. Il semblerait malheureusement que les blogeuses aient choisi aussi de ne pas publier mon commentaire.

Pour une école libre a dit…

Nous écrivions il y a deux ans :

« Pour l'instant La Presse, dans toute son impartialité, fait la sourde oreille : « Il sera question à nouveau du cours d'éthique et de culture religieuse et je serai alors heureuse de pouvoir rapporter votre point de vue » (mme Audet dixit) »

La presse n'a jamais publié cette lettre et n'a bien sûr pas rapporté le point de vue des parents ou de leurs avocats quand ceux-ci se sont présentés devant la Cour suprême contrairement à ce que laissait entendre Mme Audet...