jeudi 28 avril 2011

« Le système de garderie universel en Suède forme des enfants moins instruits »

Jonas Himmelstrand
Pour Jonas Himmelstrand, auteur et fondateur de l'Institut Mireja, le système de garderie universel en Suède forme des enfants moins instruits.

Grâce à un congé parental généreux, la plupart des parents suédois restent à la maison avec leur nouveau-né. Après 16 mois, 92 % des parents retournent au travail et laissent l'État garder leurs enfants.

Monsieur Himmelstrand qui prépare une  conférence au Canada sur ce sujet s'est dit étonné que de nombreux Canadiens considèrent son pays, la Suède, comme un modèle en matière de politique familiale. Dans un sens, cela se comprend : la Suède a mis en place un système de garderies subventionnées par le gouvernement ouvert à tous. Une étude réalisée en 2006 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a classé la Suède parmi les pays offrant les meilleurs services de garde, alors que le Canada était classé par cet organisme tout en bas de l'échelle. Mais ces aspects comptables ne dressent pas un portrait complet de la situation.

Certes, le congé parental en Suède dure 16 généreux mois. Il n'y a pas de bébés en garderie à cet âge. Mais, quand le congé parental se termine, la situation change du tout au tout : 92 % de tous les enfants âgés de 18 mois à cinq ans sont en garderie. Les parents ne paient qu'une somme symbolique pour ce service : l'état subventionne chaque place au prix de 20 000 $ par an. Au Québec, les subventions pour une place en CPE sont de l'ordre de 12 000 $. Mais ces subventions ont un prix : les impôts suédois sont parmi les plus élevés au monde et le système fiscal a été conçu pour forcer les deux parents à chercher un emploi.

Plusieurs études montrent que la plupart des Suédois souhaitent pouvoir également opter pour une allocation de garde à domicile pour les trois ou quatre premières années de vie de leur enfant. La coalition centre-droit qui a remporté les élections générales de 2006 avait promis de mettre en place une telle politique. Toutefois, après leur élection, de multiples compromis avec les autres partis politiques ont accouché d'une faible allocation, difficile à utiliser et facultative — les gouvernements locaux pouvant décider de l'allouer aux parents ou non. Seul un tiers des municipalités suédoises ont choisi de le faire.

Il faut aussi considérer les conséquences sociales de ce système de garderie. La Suède a mis en place un système de garderies universel en 1975. Or, depuis le début des années 90, on observe une augmentation des conséquences négatives pour les enfants et les adolescents tant dans le domaine de la santé et que du comportement. Bien que le lien de causalité directe soit difficile à prouver, de nombreux professionnels de la santé suédois considèrent l'absence des parents après les 16 premiers mois de vie comme un des principaux facteurs qui expliqueraient ces difficultés.

Le nombre de troubles psychosomatiques et de légers troubles psychologiques ne cesse d'augmenter chez les jeunes Suédois à un rythme plus rapide que dans n'importe lequel des 11 pays européens comparables. Ces troubles ont triplé chez les filles au cours des 25 dernières années. Alors que les enfants scolarisés dans les établissements suédois se trouvaient il y a 30 ans en première position des classements de l'OCDE, ils se retrouvent simplement dans la moyenne aujourd'hui. Selon M. Himmelstrand, l'incivilité et les problèmes comportementaux des élèves suédois seraient parmi les pires en Europe.

Pour le fondateur de l'Institut Mireja, ce n'est pas surprenant. Après une génération d'inexpérience, les compétences parentales des Suédois se détériorent. Une étude commanditée par l'Union européenne a montré que de nombreux parents de la classe moyenne ne savent pas fixer de limites claires et ne comprennent pas les besoins de leurs enfants.

Récemment, la radio publique suédoise a enquêté sur l'état des garderies en Suède. Lors de ces reportages, des parents, des psychologues et du personnel de garderie ont exprimé de profondes préoccupations. En dépit d'un financement très important, le nombre d'enfants gardé par un adulte ne fait qu'augmenter. Une puéricultrice chevronnée a rappelé qu'en 1980 on trouvait, pour les classes les plus jeunes, 10 enfants pour quatre adultes. Pour les enfants plus âgés, ce ratio était de cinq enfants par adulte. Mais après la crise financière suédoise il y a 20 ans, tout cela a changé.

La sous-ministre N. Sabuni
Aujourd'hui, pour les enfants les plus jeunes, le taux va jusqu'à 17 enfants pour trois adultes et les plus âgés souvent dix pour une gardienne. Le personnel en arrêt de maladie n'est plus remplacé. « Nous ne pouvons plus offrir de prestations de qualité » de déclarer une enseignante. Une seule personne interrogée a affirmé que les garderies suédoises offraient toujours des services de très bonne qualité — la sous-ministre de l'Éducation, Nyamko Sabuni (d'origine burundaise).

Ces problèmes ne trouvent pas leur cause dans la pauvreté ou la détresse sociale. La Suède est matériellement riche, la richesse est répartie uniformément, la pauvreté des enfants est faible, les soins de santé sont pratiquement gratuits pour tous, la sécurité sociale est généreuse, l'espérance de vie élevée, la mortalité infantile la plus faible dans le monde, enfin la Suède est en paix depuis 1809. Ces troubles chez les jeunes semblent plutôt être reliés à la mise en place de politiques familiales qui ne laissent plus aux parents suffisamment de temps, d'énergie et d'occasions pour bâtir une relation étroite et saine avec leurs enfants.

Pour Jonas Himmelstrand, faire de l'État le premier éducateur de la petite enfance s'est avéré un échec car les parents sont prêts à faire de plus grands sacrifices pour leurs enfants que l'État, pour qui en fin de compte les enfants ne sont qu'un poste budgétaire parmi d'autres. Selon lui, les Canadiens devraient examiner attentivement tous les faits disponibles sur la question avant de considérer la Suède comme un modèle en matière de garde d'enfants.

Jonas Himmelstrand est auteur et fondateur de l'Institut Mireja (Mireja.org). Il tiendra une conférence à Ottawa le 5 mai à l'hôtel Lord Elgin sur ce même thème.

Voir aussi :

Deuxième baisse successive de la fécondité au Québec, les coûts de la politique dite familiale ne font qu'augmenter

Épidémie de détresse chez les enfants en CPE et chez les enfants nantis





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